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simon roguet - Page 7

  • Lou T05 Laser Ninja - chronique de Simon #58

    677083.jpgLou T05 Laser Ninja

    Julien Neel
    Tchô, Glénat - 9,40 €
    Elles sont rares les bandes dessinées qui font à ce point l’unanimité. Critiques, parents, enfants, libraires, petits et grands… tout le monde s’accorde à relever la qualité de la série Lou créée par Julien Neel. Poursuivant depuis cinq albums le récit des aventures de Lou, de sa mère et de son compagnon Richard, Julien Neel a su poser une ambiance, un style qui se reconnaît dès les premières pages. Drôle, sensible et juste, ce sont des qualitatifs qui pourraient tout à fait convenir pour définir ces cinq volumes. Tome après tome, Lou grandit et dans ce cinquième opus, elle est maintenant devenue une ado de 14 ans. On peut dire que ce passage est un peu brutal : appartement qui prend feu, petit frère qui pointe le bout de son nez, rupture et questionnements amoureux… tout serait là pour une bonne petite crise. Mais Lou n’est pas comme cela, cela a toujours été une jeune fille responsable. Elle va plutôt se tourner vers ses origines et découvrir le parcours de sa mère dans son journal intime. De quoi mieux comprendre certaines choses…

    Comme toujours, Julien Neel touche juste dans son récit et dans la manière qu’il choisit de le traiter. La relation entre Lou et sa mère est particulièrement bien rendu. Son dessin et ses couleurs, tout en douceur ne font que renforcer ce côté cocon familial, qu’on aime plus que tout

  • La crinière de Monsieur Lion - chroniques de Simon #56

    9782226183460m.jpgLa crinière de Monsieur Lion

    texte : Nordine Bouguerine
    Illustrations : Juliette Boulard
    Albin Michel jeunesse - 12,90 €

    Monsieur Lion a bien besoin d’un petit fortifiant. Depuis peu, il perd sa belle crinière et il sera bientôt la risée de tous. Vite, il file chez Monsieur Frissotti, le coiffeur élégant, qui trouvera bien une solution à son souci. Mais cela ne se fera pas sans une certaine pagaille dans le salon…

    Voilà une petite histoire pour les plus jeunes pleine de surprises et de rebondissements. Les auteurs jouent sur la découverte de la pilosité extravagante de Monsieur Lion, de son énervement et des jeux de cache avec les fenêtres que l’on ouvre et referme. Le ton est amusant et rythmé. On retrouve avec beaucoup de plaisir l’illustration de Juliette Boulard, l’illustratrice de La Maternelle chez le même éditeur. Comme dans ces précédents livres, elle s’amuse à cacher, un peu à la manière d’un Marc Boutavant (Mouk), une multitude de petits détails amusants à chercher et apprécier. L’histoire se conclue sur une belle note romantique.

  • Le pompier de Lilliputia - chronique de Simon #55

    9782226193292_1_75.jpgLe pompier de Lilliputia

    Texte : Fred Bernard
    Illustrations : François Roca
    Albin Michel jeunesse - 14,90 €

    Henry Mac Queen est un héros. Malconnu c’est vrai mais c’est un vrai héros, de ceux qui méritent leur statue, aussi petite soit-elle. Petite car Henry Mac Queen est un nain. D’ailleurs il vit à Lilliputia, le quartier des nains à Coney Island à New York dans le plus grand parc d’attractions du monde. Fils d’un politicien important, Henry décide de quitter sa famille et de venir s’installer à cet endroit où il pourra vivre avec les siens et ne faire honte à personne. Il faut dire que l’histoire se passe à la fin du XIXe siècle et on l’ambiance ressemble plus à Freaks qu’à Disneyland… À sa place, Henry est heureux. Il a même créé une petite compagnie de pompiers qui fait le plaisir des spectateurs et dans laquelle il s’épanouit totalement… jusqu’au jour dramatique où Coney Island s’enflamme.

    Encore une fois, Fred Bernard signe une histoire atypique, une épopée fabuleuse que seul son imaginaire débordant peut fournir en littérature de jeunesse. On quitte un peu les fresques historiques pour retrouver cette fois un peu de l’esprit de Jesus Betz dans la narration et la psychologie des personnages. Henry Mac Queen a une revanche à prendre sur le monde et son courage va surgir au grand jour de manière éclatante… La grande nouveauté pourtant de ce nouvel album du duo magique Roca/Bernard se situe dans le travail de François Roca qui sort cette fois de l’ultra réalisme pour proposer un graphisme plus rond et plus jeunesse. On retrouve un peu de l’illustration qu’il avait utilisée pour son album Suzanne paru au Seuil. et il faut dire que ce style lui va particulièrement bien. Avec des décors de New York et plus précisément de Coney Island somptueux, ses personnages sont particulièrement touchants et c’est sans aucun doute l’un de ses albums les plus attachants.

  • Dans la cour de mon école - chronique de Simon #54

    9782844207814.gifDans la cour de mon école

    Sylvain Victor

    Editions Thierry Magnier - 13,30 €

    Dans la cour de cette école, il y a Valentin, il y a Pierre, et puis Soulémane. Il y a aussi Gunnel, Sabine et Kahina… Il y a tout un tas d’enfants dans cette école. Des enfants de toutes origines, de tous les caractères aussi puisque chaque enfant est différent. Et puis il y a Mona et Manu, deux enfants parmi les autres. Ce sont les deux narrateurs de ce récit. Ce sont eux qui vont nous présenter les enfants, chacun à sa manière, chacun avec ses affinités, sa vision des autres. Ils vont tous les deux nous faire un portrait d’une dizaine de leurs camarades en quelques mots.

    Et là notre regard change d’un coup. A la fin de la lecture de cet album, un sentiment étrange nous parvient. Chaque enfant peut être perçu différemment et cette double vision des deux personnages pourtant très proches (ils sont amoureux) permet de vite prendre une distance avec les portraits qu’ils dressent. Ils sont pourtant sincères tous les deux. On les croit autant l’un que l’autre mais selon le lien qui existe, la façon de penser ou la distance, on voit bien comment le jugement sur l’autre se fait. C’est assez impressionnant. Que retenir de cet ouvrage ? un peu de distance sur notre jugement, un catalogue sans cliché de portraits d’enfants, une promotion de la diversité, un dessin épuré, un jeu graphique impeccable de l’auteur… La liste pourrait être longue. En tout cas, cet album est une vraie réussite à découvrir.

  • Etranger à Berlin - chronique de Simon #53

    42904090_p.jpgEtranger à Berlin

    Paul Dowswell

    Traduction Nathalie Peronny

    Naïve - 18 €

    Piotr vient de perdre ses parents. Nous sommes en 1941, la Pologne est envahie. Le jeune garçon est alors placé dans un orphelinat où il est bientôt repéré par un groupe qui cherche de jeunes polonais au profil aryen exemplaire. Piotr, grand, blond aux yeux bleus et à l’allemand parfait est vite repéré et envoyé dans une famille aisée, les Kaltenbach. Le père, un scientifique connu, se plie volontiers aux désirs de l’état nazi et toute la petite famille est pleinement investie dans l’évolution et le soutien des forces hitleriennes. Piotr, désormais nommé Peter, n’est pas en reste et s’intègre parfaitement dans sa nouvelle vie. Il est heureux dans cette famille et le prouve en intégrant lui aussi les jeunesses hitleriennes avec ambition, il désire devenir pilote de la fameuse Luftwaffen. Sa voie semble tracée. Un jour néanmoins, il rencontre Lena Rieter avec qui il se lie d’amitié très fortement. La famille Rieter, très respectée par le parti, s’oppose en fait à l’idéologie nazie et aide des familles juives en fuite. Au contact de Lena, Peter va découvrir une vie et une jeunesse berlinoise complètement différente. Il sort dans des clubs de jazz, frôle avec l’interdit et développe sa capacité à réfléchir différemment, par lui-même. Il prend à peu conscience de toute l’horreur des actes de l’état nazi. La découverte d’une origine juive lointaine déclenche chez lui le déclic et il décide alors de passer de l’autre côté. Il a choisi son camp. Il s’enfuira avec Lena et sa famille…

    Étranger à Berlin est un très beau livre sur un thème pourtant déjà bien souvent traîté. Le rythme y est enlevé tout au long des 400 pages, faites de rebondissements et de véritables aventures. La lecture y est tout simplement passionnante. La vision de l’intérieur des pratiques nazies de l’époque est tout simplement terrifiante. Les personnages de Piotr et de Lena sont très attachants et on se laisse littéralement embarquer dans cette histoire. Étranger à Berlin est un excellent roman, original et bien écrit, sur la seconde guerre mondiale.

  • Mon petit coeur imbécile - chronique de Simon #52

    E119042.gifMon petit coeur imbécile

    Xavier-Laurent Petit

    Ecole des Loisirs Neuf - 8.50 €

     

    En Afrique, si Swala signifie antilope alors Maswala veut dire Mamantilope. C’est de cette jolie manière que la jeune Sisanda appelle sa mère. Cette dernière ne peut pas, en effet, s’empêcher d’aller courir tous les jours à travers la savane. Un peu comme si elle devait courir pour deux. Car Sisanda est malade, gravement malade. Son cœur n’arrive pas à battre régulièrement : un battement… un pschhht… un battement… Tout devient compliqué pour elle : aller à l’école, être avec ses amis, vivre dehors… Elle vit avec cela depuis la naissance mais garde l’espoir de se faire bientôt opérer. Chaque matin, elle compte les jours où elle se réveille en vie et espère que son petit cœur imbécile ne fera pas des siennes. De retour de l’hôpital où elle va tous les ans, elle et sa mère tombent sur un vieil article de journal qui parle d’un marathon richement doté. Sa mère fait vite le rapprochement et ne pense plus qu’à cela…

    Comme à son habitude, Xavier-Laurent Petit (qui vient de recevoir le Prix Sorcières roman ado en 2009 avec Be safe) nous fait voyager et réfléchir à travers un roman qui s’adresse cette fois à une tranche d’âge inférieure. Mon petit cœur imbécile parle autant de la maladie que du continent africain et du quotidien d’un petit village isolé. La description de la vie de tous les jours y est très belle et donne envie de partir courir là-bas.

  • Une sacrée mamie - chronique de Simon #51

    sacree_mamie_01.jpgUne sacrée mamie

    Yoshichi Shimada & Saburo Ishikawa

    Delcourt Akata - 7,50 €

     

    Akihiro est un môme de 8 ans qui va vivre une séparation assez brutale. Manquant cruellement de ressources pour élever seule ses deux fils, sa mère prend la terrible décision de se séparer du plus jeune des deux et de l’envoyer vivre à la campagne chez sa grand-mère. Akihiro doit donc quitter la grande ville, Hiroshima, qu’il connaît depuis son enfance pour la campagne la plus radicale et une vieille maison branlante où vit sa grand-mère. Le changement est radical et son adaptation n’est pas facilité par la grand-mère qu’il trouve étrange. On comprend rapidement que cette dernière est très pauvre elle aussi et qu’elle ne vit que par un système de combines et de trouvailles plus ingénieuses les unes que les autres. Pour Akihiro, elle devient vite une « sacrée mamie »…

    Adapté d’un récit autobiographique, ce manga réussit à montrer le contraste, très important, qui existait dans les années 50 entre le Japon rural et urbain. On y découvre une vie à la campagne rude et délicate mais pleine d’humanité et d’entre aide. Plus que l’intrigue, ce sont vraiment les rapports humains qui priment dans cette histoire. Ce premier volume nous rappelle l’ambiance que l’on pouvait trouver dans Nononbo (primé à Angoulème en 2008) de Mizuki Shigeru et augure d’une série émouvante, tendre et drôle.

  • Doug & Buster ordibook (Tofépi) - chronique de Simon #50

    41UqHoXbWaL._SL500_AA240_.jpgDoug & buster ordibook

    Tofépi

    Homecooking books - 9 €

    Au premier abord, rien ne pouvait nous laisser imaginer ce que cachait ce petit trésor. Couverture glacée magnifique (livre de graphisme ?). Logo orange très graphique (bouquin d’informatique ?). Intérieur dessiné noir et blanc (BD indé ?). Seuls les deux personnages de l’ours et du pingouin sur leur petit bout de planète nous indique qu’il pourrait s’agir d’un ouvrage pour la jeunesse. De toute manière, ce livre est particulier. Il aura du mal à trouver sa place dans un rayon. Tant mieux, nous, libraires, devront le mettre sur table, bien devant, prêt pour le conseil. Car ce livre mérite notre soutien. Bouquin inclassable, entre livre d’activités, de jeux, livre d’humour, livre bilingue (anglais – français : tout est traduit), livre décalé et déroutant, ce petit ouvrage a plus d’un atout dans sa poche. En plus il a la bonne idée d’être beau. Cela n’a rien d’étonnant quand on sait qui se cache derrière ce projet. Sous le nom des éditions Homecooking books, on retrouve l’une des fondatrices de l’excellente revue, maintenant disparue, l’Œil électrique. Cette revue pour ceux qui ne la connaissent pas a marqué la fin des années 90 et le début des années 2000 par sa richesse et son innovation graphique. C’est donc vraiment un plaisir de retrouver cet esprit – libre et indépendant – dans des livres pour la jeunesse. Ce n’est pas très étonnant non plus d’apprendre que c’est Tofépi (qui a déjà signé quelques BD au Seuil) qui œuvre sur ce projet. On ressent parfaitement le plaisir qu’il a pu avoir en créant ces activités loufoques.

    Toute la famille pourra donc s’amuser avec cet ordibook réel (le premier ordinateur en papier ! beau contrepied à l’ebook… ) en jouant à de vraies activités un peu bêtes, en apprenant presque par erreur l’anglais (le jeu de la mise en page fait que l’on lit en premier l’une ou l’autre des langues ; là également le jeu l’emporte sur la pédagogie) et en suivant surtout les folles aventures de nos deux amis Doug et Buster.

  • Aquarium (Yann Fastier) - chronique de Simon #49

    9782913741829FS.gifAquarium

    Yann Fastier

    L'atelier du poisson soluble - 10 €

    La couverture ne me laissait pas beaucoup d’espoir quant à l’originalité… Un beau poisson multicolore sur un fond bleu vert. D’autres poissons sans couleurs que l’on devine. Ce n’est pas sans nous rappeler quelques histoires un peu gentilles. Et puis l’espoir revient tout à coup : l’auteur de ce livre s’appelle Yann Fastier, un auteur illustrateur qui laisse rarement indifférent (Pfff, Corrida, Rapport secret sur les dents de lait). Et puis c’est édité à l’Atelier du poisson soluble. Alors j’aurais dû m’en douter. Comprendre plus vite. Le mignon petit poisson est en fait un sale poisson détestable. Il est hautain, fier de lui et de sa beauté. Sa fin et la chute n’en sera que plus cruelle et savoureuse. Pour notre plus grand bonheur.
    Aquarium est un parfait album pour les plus jeunes qui allie humour et sarcasme et fait du bien dans l’univers aseptisé des livres pour les plus petits…

  • Negrinha - chronique de Simon #48

    9782070612093.gifNegrinha

    Jean-Christophe Camus (scénario) & Olivier Tallec (illustration)

    Gallimard Bayou - 16 €

    C’est avec beaucoup d’impatience que nous attendions la première bande dessinée d’Olivier Tallec. Avec Negrinha, l’illustrateur de Rita et Machin ou encore de Grand Loup et Petit Loup ne nous déçoit pas, bien au contraire. Il faut dire que le garçon est truffé de talent. Son style est toujours aussi élégant ; son trait, à la fois fragile et délicat. Ses couleurs, surtout, sont resplendissantes dans cette histoire. Les teintes du Brésil l’ont visiblement inspiré puisque qu’on sent que l’illustrateur s’est fait plaisir à travailler autour d’une palette de couleurs à la fois lumineuse et chaleureuse.
    Pour ce qui est de l’histoire, Jean-Christophe Camus signe une jolie chronique de vie. Maria est une jeune métisse de 13 ans, élevée par une mère surprotectrice. Cette dernière veut absolument offrir à sa fille une vie heureuse, dans les beaux quartiers — blancs — de Rio. Pour cela, elle est prête à tout sacrifier, même sa famille restée dans une favela voisine. Mais, un jour, la jeune fille va vouloir découvrir cette part de sa vie cachée…

    Negrinha est une belle réflexion sur la négritude, émouvante et sensible. Le Brésil y est décrit naturellement avec ses richesses culturelles et humaines, mais aussi ses contradictions et ses fractures. On aurait sans doute aimé y rester encore un peu plus mais le voyage est de toute façon déjà très beau.

  • Au rebond (Jean-Philippe Blondel) - chronique de Simon #47

    34642768_p.jpgAu rebond

    Jean-Philippe Blondel

    Actes sud junior - 9.00€

     

    Alex est un ado de 15 ans. Il vit seul avec sa mère dans la tour d'une cité. Avec peu de revenus, la vie n'est pas toujours rose à l'appartement. Son meilleur ami, Christian, avec qui il échange la même passion du basket,  semble avoir plus de chance. Une maison magnifique, des parents riches, une vie à priori idéale quand on vient d'un immeuble pourri... Entre eux, l'amitié semble dépasser pourtant cette seule différence sociale. Mais attention, ce sont des mecs, entre eux il n'y a pas vraiment d'échange non plus. On ne connaît pas la vie de l'autre, on se parle assez peu. On se fait des passes, on marque, on gagne des matches. L'amitié se joue au rythme du ballon orange. On n'aborde pas l'alcoolisme d'une mère paumée, on ne discute pas de la honte de son appartement kitsch. Mais un jour, Christian disparaît. Plus de lycée, plus de basket, plus de nouvelles. Alex s'inquiète et il se rend chez son ami. Il va découvrir une triste vérité et un chaos familial insoupçonné. Il voudrait presque se retirer mais sa mère, qui dès lors ne va cesser de le surprendre, va le pousser à "forcer le destin"...

     

    Une histoire de vie, de solidarité remarquablement bien décrite par Jean-Philippe Blondel. Ce roman fait du bien autant qu'il nous émeut. Les personnages des deux mères sont particulièrement bien réalisés et touchants. Alex redécouvre sa mère grâce à cette épreuve tandis que Christian tente de surnager face à l'abandon total de la sienne. Au rebond est une chronique ordinaire qui aborde avec beaucoup de finesse la solidarité et l'amitié. C'est finalement un roman plein d'espoir et c'est très appréciable.

  • Je mourrai pas gibier (Alfred) - chronique de Simon #46

    51UOkQpZtCL._SL500_AA240_.jpgJe mourrai pas gibier

    Alfred
    Mirages, Delcourt - 14,95 €


    Le pari était risqué : adapter le roman choc Je mourrai pas gibier de Guillaume Guéraud ne se ferait pas facilement. Pourtant, à la lecture de la bande dessinée d’Alfred, il ressort comme une évidence, sans aucun doute due au talent du dessinateur. Il faut dire que ce dernier nous avait déjà bien bluffé avec Pourquoi j’ai tué Pierre, aux éditions Delcourt, une BD où Alfred mettait en image avec une distance, un respect et une émotion intense l’histoire d’Olivier Ka. Pour le projet Je mourrai pas gibier, Alfred raconte qu’à la lecture du roman de Guillaume Guéraud, c’est un vrai choc émotionnel qu’il a reçu. On peut tout à fait le comprendre puisque pour les mêmes raisons nous lui avons attribué le Prix Sorcières dans la catégorie roman ado. Cela est très bien mais ensuite… que faire de ce roman, si percutant, si cru, si direct ? Comment l’adapter en images tout en préservant la force d’un texte sans concession ? C’est le pari que s’est fixé Alfred et on doit dire qu’il l’a admirablement relevé. L’ambiance est parfaitement retranscrite (il faut saluer ici le travail de coloriste d’Henri Meunier). L’histoire se déroule à Mortagne. Mille deux cent dix-neuf habitants et deux clans : ceux qui travaillent dans le bois (la scierie Listrac) et ceux qui sont à la vigne (le château Clément). Entre les deux groupes, une haine insurmontable, une bêtise atavique partagée, même si quelques personnages ne prennent pas parti. C’est le cas de deux des acteurs centraux de l’histoire. Il y a d’abord le narrateur, qui ne veut pas de cette vie et a choisi de partir. Il va malgré tout disjoncter et être poussé à commettre l’irréparable. Et puis il y a Terence, l’attardé gentil, trop sans doute, pas à sa place dans ce village et sur qui vont se défouler les abrutis de l’histoire… jusqu’à un point de non retour.
    À la lecture de cette bande dessinée se produisent les mêmes réactions chimiques qu’à la lecture du roman. L’adrénaline monte peu à peu, un frisson vous parcourt l’échine jusqu’à la brutale réalité, le fait divers improbable qui arrive et détruit tout. Comme l’écriture de Guillaume Guéraud est très cinématographique, elle s’adapte très bien en bande dessinée. Ici, les phrases sont courtes, les plans s’enchaînent les uns après les autres dans un souffle de plus en plus court. Le dessin au fil des pages se fait de plus en plus nerveux, plus lâché, dans un parfait accord avec la montée de tension que subit le personnage. La chute est terrifiante, même quand on la connaît et, pour cela encore, Alfred a trouvé les bonnes réponses graphiques imposées par le rythme du récit…
    Cette histoire parvient donc à nous scotcher à notre siège pour la seconde fois. Elle vous invite par ailleurs à pénétrer dans l’univers graphique d’un auteur illustrateur de grand talent.

  • Marre du rose - chronique de simon #44

    0marre.jpgMarre du rose

    Texte : Nathalie Hense
    Illustrations : Ilya Green
    Albin Michel jeunesse - 10,90 €


    Ce titre Marre du rose pourrait sonner comme une sentence jetée par un libraire jeunesse une nouvelle fois excédé par l’arrivée de livres « roses pour les filles » ou « bleus pour les garçons ». Effectivement, il y en a marre du sexisme coloré !

    L’héroïne de notre album est une petite fille qui aime le noir et elle l’affirme haut et fort. Comme elle le dit si bien, les tralalas de princesses, les rubans et aussi les poupées, ça lui sort par les trous de nez. Ce qu’elle aime, elle, ce sont les araignées, les grues, dessiner des dinosaures ou encore porter des T-shirts à dragon. Et c’est pour cela qu’on l’appelle « garçon manqué ». Quand elle demande pourquoi, on lui répond simplement : « C’est comme ça… » C’est un peu léger comme argument, trouve-t-elle, et nous sommes bien d’accord avec elle.
    Cet album, où l’on retrouve avec grand plaisir l’illustration aux couleurs franches d’Ylia Green (Bou et les trois Zours à l’Atelier du Poisson Soluble ou Strongboy chez Didier jeunesse), aborde simplement mais efficacement les petits sexismes de tous les jours, ceux qui sont là depuis toujours, ceux qui sont presque devenus anodins.
    Dans le même esprit, nous vous conseillons également des titres comme Menu fille ou menu garçon de Thierry Lenain (Nathan poche) ou L’Imagier renversant de Mélo et Sébastien Telleschi (Talents Hauts) qui restent eux aussi d’excellents titres sur le sujet.

  • Je me souviens, Beyrouth (Zeina Abirached) - chroniques de Simon #43

    612BzclU79L__SL500_AA240_.jpgJe me souviens, Beyrouth

    Zeina Abirached

    Cambourakis - 12,90 €

    En reprenant la forme du célèbre texte de Georges Perec, Zeina Abirached nous raconte tout en images les souvenirs de son enfance à Beyrouth pendant les années 80. Par le biais de petits moments, des petites choses qui font le quotidien d’une enfant, nous pénétrons peu à peu dans le monde de Zeina enfant et de sa famille. Zeina Abirached parvient aisément à se détacher du simple exercice de style oulipien. Elle utilise la formule « je me souviens » comme un hommage à Perec mais c’est bien la force de son style et la situation au Liban qui ressurgissent dans cette bande dessinée. Tout comme dans Mourir partir revenir. Le jeu des hirondelles, son premier récit long, c’est dans sa simplicité et sa sincérité que ce texte nous touche. La description de la situation d’oppression vue par ses yeux d’enfant permet une distance avec l’événement tout en le montrant de l’intérieur. Ici, pas de considération politique, pas de jugement mais juste un ressenti émouvant. Grâce à cela, elle parvient à nous faire aimer Beyrouth et ses habitants tout en critiquant le régime de l’époque.
    Tout ceci est en plus formidablement accompagné par son dessin noir et blanc si caractéristique, épuré et graphique, magnifique.

     

  • Le moustachu (delphine perret) - chronique de Simon #42

    9782844206947FS.gifLe moustachu

    Delphine Perret
    Petite Poche, Editions Thierry Magnier - 5 €

    On connaissait Delphine Perret pour ses albums à l’humour tranchant : Moi, le loup et les chocos (éditions Thierry Magnier), Les jours bêtes ou Toutou tondu (Atelier du Poisson Soluble). Comme Mathis avant elle pour la même excellente collection Petite Poche, elle franchit le pas de son premier roman avec Le moustachu. Dans ce court texte pour les plus jeunes lecteurs, nous allons suivre l’enquête que mène Jules autour d’un mystérieux moustachu, vendeur de frites au fast-food du coin. Elégant, différent, pas dans le ton… il n’a rien à faire ici ! Et pourtant, mercredi après mercredi, c’est lui qui vient servir Jules. Ce dernier ne se démonte pas et décide de mener l’enquête…

    Delphine Perret signe là un petit texte policier plein de finesse et de raffinement. Les personnages sont attachants et on a envie de savoir qui se cache derrière cette étrange moustache. Une bonne entrée en matière donc pour cette jeune auteur dont on attend d’autres récits avec impatience.

  • Capitaine T01 La mer est mon jardin - chronique de Simon #41

    1222869771.capitaine.jpgCapitaine T01 La mer est mon jardin

    Henri Meunier

    Petit Bonum, Milan jeunesse - 9,50 €

    Les collections de BD pour les plus jeunes se multiplient et c’est tant mieux quand la qualité et le talent sont présents. Après Les Petits Chats Carrés chez Carabas ou Puceron chez Dupuis, c’est au tour de Milan jeunesse de lancer sa collection d’albums BD sans texte pour les plus jeunes. Cette dernière s’appelle Petit Bonum et elle recèle déjà quelques excellentes surprises. Si on se réjouira de retrouver le trait coloré d’Olivier Supiot (Marie Frisson) dans une excellente petite histoire animalière nommée Tatoo au zoo et l’humour très grinçant de Arnü West dans le très caustique Souris Souris, c’est l’album Capitaine de Henri Meunier qui nous a véritablement enthousiasmé. En 16 courtes scènes muettes, Henri Meunier parvient à nous faire rire, réfléchir et émouvoir avec son Capitaine. Sur son beau bateau à moteur, ce marin pêcheur à l’allure bien sympathique sillonne la mer suivi d’une mouette fidèle et gourmande. Il pêche la plupart du temps et doit déjouer les tours et pièges d’un océan aux mille surprises. Sur son chemin, il croisera des sirènes, des baleines énormes, des pieuvres et des requins, de quoi alimenter un peu son imagination et son inventivité…

    Alliant poésie et humour, cette bande dessinée saura émouvoir les plus jeunes tout en faisant rire les plus grands. Grâce à un trait caractéristé, très graphique et une totale maîtrise des couleurs (Henri Meunier est par ailleurs un excellent coloriste de bande dessinée) et des trames et autres dégradés de couleurs, Henri Meunier pose une ambiance propice à une narration ultra maîtrisée. Il n’y a donc aucunement besoin de texte pour comprendre ces petites chroniques et y prendre le plus grand plaisir.

  • Arthur l'autre légende - chronique de Simon #40

    9782070614400.gifArthur l’autre légende
    Philip Reeve

    traduction : Stéphane Carn

    Gallimard collection Scripto
    13.00 €

    Les plus grands récits héroïques, les plus belles aventures cachent souvent une vérité beaucoup plus crue, difficile à assumer pour les conteurs. Philip Reeve a décidé de tailler un costume à la légende d’Arthur en épinglant toute la Table Ronde au passage.
    Dans son dernier ouvrage (récompensé du prestigieux Prix Carnegie en Angleterre), Arthur l’autre légende, il s’amuse à réinventer l’histoire ou plutôt à la réécrire telle qu’elle aurait sans doute été à cette époque. Nous sommes donc au VIe siècle, en plein Bas Moyen-âge, une époque où règnent plutôt en maître la force brutale et la ruse que la dignité et la galanterie de chevaliers romantiques.
    Pour son récit, Reeve crée le personnage de Wynna, une petite fille d’une dizaine d’année qui est la narratrice de notre histoire. Elle voit son village se faire dévaster par les troupes d’Arthur et devient l’assistante de Myrrdin, alias Merlin. On découvre alors avec elle toute la machinerie du vieux mage conteur. Ce dernier ne possède en fait aucune magie et tous ces tours ne sont que combines et tricheries. Il est juste là pour créer « la légende arthurienne » et il y parvient grâce à des tromperies grotesques qui mettent en dérision la mythologie traditionnelle. Déguisée en garçon, Wynna deviendra Wynn au gré de l’histoire et changera plusieurs fois pour ne pas être démasquée. De la Dame du Lac à Excalibur, ce sont toutes les légendes la Table Ronde qui tombent les unes après les autres.
    Tout comme les romans de Kevin Crossley-Holland, il s’agit là d’une vraie adaptation de la légende arthurienne mais la plume de Philip Reeves est, il me semble, beaucoup plus drôle et ambitieuse. Le ton est percutant, drôle et ironique et c’est un vrai régal de redécouvrir ces histoires merveilleuses revisitées de la sorte.


    Allez, un petit extrait pour vous donner envie :
    Armé d'un couteau de chasse, la tunique maculée de graisse, Arthur découpait des morceaux de viande pour ses compagnons favoris et les leur distribuait avec force plaisanteries grivoises et éclats de rire avinés.
    Je ne l'avais encore jamais vu sans son casque et sa cotte de mailles. En simple tunique, il était nettement plus difficile de le prendre pour un demi-dieu ! C'était un homme ordinaire, solidement charpenté, avec un cou de taureau et un visage plutôt empâté. Ses cheveux noirs, coupés courts, étaient plus clairsemés sur le devant et à la lueur du feu, on voyait la sueur perler sur la peau de son crâne. Il avait des petits yeux noirs, très enfoncés dans leurs orbites, qui posaient sur vous un regard vacant, presque somnolent – mais, l’instant d’après, ils pouvaient devenir rusés ou pensifs, ou alors se mettre à étinceler de joie comme ceux des enfants. Je les soupçonnais de pouvoir aussi lancer des éclairs, sous l'effet de la fureur. Un homme dangereux, me dis-je. Aussi dangereux qu'un ours...

  • Martin des Colibris - chronique de Simon #39

    51MMQVWTwnL__SL500_AA240_.jpgMartin des Colibris

    Texte : Alain Serres
    Illustrations : Judith Gueyfier
    Rue du monde - 21,80 €

    Quel plaisir de voyager ainsi ! Dans ce très bel album, les auteurs s’en donnent à cœur joie pour nous faire rêver. S’inspirant librement de la vie de René-Primevère Lesson, un botaniste charentais du XIXe siècle, Alain Serres nous emmène dans une grande aventure humaine et scientifique. Martin, héros de cet album, part suivre sa passion, dessiner les oiseaux du Brésil où il accompagne un botaniste voyageur. Plus qu’un simple voyage, c’est une véritable épopée humaine qui est décrite ici. Une très belle aventure.
    Cet album nous permet surtout de confirmer le véritable talent d’une toute jeune illustratrice. Judith Gueyfier, qui nous avait déjà ravis avec le très beau Buffon blanc, s’en donne à cœur joie pour illustrer cette histoire. Elle alterne avec beaucoup de réussite la narration classique de l’histoire avec des planches de dessin issues du carnet de Martin. Et que dire de ces planches sur calque parsemées au cours de l’album ?… Un vrai régal pour les yeux !

  • Noël pour tous - chronique de Simon #38

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    Noël pour tous
    Antoine Guilloppé
    P’tit Glénat - 11 €


    Non, vous ne rêvez pas ! Voici un livre sur Noël qui ne brille pas, qui ne chante pas Vive le vent et qui propose un regard graphique exigeant et efficace.
    On connaît le talent d’Antoine Guilloppé, l’auteur d’Akiko (Picquier jeunesse) ou de Prédateurs (Thierry Magnier). Dans ce Noël pour tous, Guilloppé nous raconte la journée du Père Noël et s’amuse avec les différentes destinations qu’il traverse à travers le monde, nous proposant de très belles illustrations, très graphiques. Pour une fois, il rajoute à son noir et blanc si efficace de petites touches de couleurs qui donnent à cet album un petit air de fête. La chute est touchante et c’est au final un très bel album de Noël qui nous est proposé ici.

  • onlikoinou #10 Commissaire Toumi (Anouk ricard)

    Une de nos BD préférées de la fin de l'année passée à la moulinette Onlikoinienne...

    Commissaire Toumi de Anouk Ricard (éditions Sarbacane)